PARTIE II/III
A un moment donné, dans les années 90, Maître Tamura a clairement exprimé ce ressenti par rapport aux difficultés rencontrées dans la gestion de la fédération en disant « jusqu’à présent j’avais à gérer mes adversaires sur le tapis mais maintenant c’est avec la fédération que mon combat se trouve ». Cela n’a donc pas toujours été simple pour lui parce qu’il lui fallait continuer à avancer pour diffuser le message de O’Senseï. Il a pratiquement continué à enseigner jusqu’à la fin de ses jours, même quand il était déjà très malade, c’était vraiment ça sa mission sur terre. A titre personnel, parmi les multiples souvenirs que j’ai de lui, pendant ces milliers d’heures passées à tenter de comprendre ce qu’il voulait nous transmettre, j’en garde certains plus précisément. Ce sont les moments vécus en dehors du tapis, lors des premiers stages qu’il dirigeait à Paris, lorsque nous nous retrouvions à quelques-uns pour des repas conviviaux. Il y avait vraiment un fort sentiment de fraternité. J’étais alors souvent le plus jeune du groupe, mais il montrait une véritable gentillesse, une volonté de transmettre et d’accompagner. Sur le tapis, ce n’était pas toujours confortable car il estimait, je crois, que former consistait entre autres à vous remettre régulièrement en question. Cependant, comme il mettait en même temps énormément de sincérité dans la relation, étant direct et simple dans ses rapports à l’autre, son message était tout à fait recevable. Donc, comme à la fin de sa vie, il était obligé de se protéger à ce titre-là – entre autres de la « cour » qui s’était formée autour de lui – le système a dû devenir pesant pour lui qui, au fond, aimait plus les contacts simples avec les gens. Et, je pense qu’à la fin de sa vie, la franchise de ces premiers échanges sans sous-entendus politiques lui manquait. De tels moments, il ne pouvait les retrouver qu’avec ses anciens, ceux qui avaient partagé avec lui d’autres façons d’être. Je me souviens de nombreux repas pendant lesquels nous racontions des blagues… Il aimait beaucoup l’humour français, et c’étaient alors des moments où il pouvait se détendre, où il retrouvait les moments chaleureux, fraternels, que l’on vivait au quotidien dans les années 70 80.
Suivre son enseignement a véritablement constitué la base de ma formation. Cette éducation a été renforcée pour moi par le fait qu’à la fin des années 70, il m’avait demandé de m’occuper de Maître Sugano qui arrivait d’Australie pour superviser l’enseignement de l’aïkido au Bénélux et qui parlait anglais. Aussi, neuf années durant, tous les mois, lorsque ce dernier venait à Paris pour diriger un stage, je lui ai servi d’Otomo (accompagnateur) et de traducteur. J’ai aussi assuré la traduction de certains de ses autres stages en France, comme en été à Lesneven, jusqu’à son départ vers les Etats-Unis. J’ai donc beaucoup travaillé sous la tutelle de Maître Sugano. Notre relation a finalement commencé à ressembler peu à peu à de l’amitié, nos échanges étant d’une grande franchise et la confiance étant mutuelle. La raison de cela était assez logique selon les canons des relations hiérarchiques japonaises, parce qu’il considérait que j’étais l’élève de Maître Tamura qu’il respectait énormément. Donc, à la différence de ses élèves en Belgique, il n’avait pas avec moi une relation de maître à élève, mais plutôt celle que l’on accorde à un homme de confiance. Au-delà des apports culturels dont j’ai alors bénéficié pendant les nombreuses heures passées ensemble sur et en dehors des tatamis, son enseignement m’a énormément apporté et aidé car j’avais un gabarit plus proche du sien que de celui de Maître Tamura. C’est grâce à cela que j’ai pu faire évoluer mon aïkido, c’est par sa pratique que j’ai pu mieux appréhender celle de Maître Tamura dont la finesse était alors hors de ma portée même si je tentais bien sûr de la capter lorsque j’avais la chance d’être le partenaire de ce dernier. En tout cas, le fait d’avoir accompagné Maître Sugano pendant toutes ces années m’a permis de mieux décoder le travail qu’effectuait Maitre Tamura avec son gabarit à lui.
Globalement, j’estime que j’ai eu beaucoup de chance dans mon parcours. En premier lieu j’ai été ouvert à un travail corporel d’assouplissement, d’allongement du corps par le travail de Maître Noro que j’ai pu vivre au travers de ses élèves, ou directement en stage avec lui. Ensuite, j’ai pu aborder la notion de continuité, d’attention constante que développait Maître Tamura tout en tentant de capter toute sa finesse technique. En ce qui concerne le travail de Maître Chiba, que j’ai brièvement suivi en stage à mes débuts quand il résidait encore en Angleterre, il m’a permis de percevoir ce qu’était l’intensité combative même si à l’époque je n’y comprenais pas grand-chose car j’étais loin d’être assez mûr techniquement. Par la suite, au tout début des années 80, j’ai mieux appréhendé le travail de ce dernier quand je suis allé aux Etats-Unis au stage d’Amherst dans le Massachusetts et que j’ai eu l’occasion d’être son Uké… Il faisait peur à tout le monde alors qu’il fallait « simplement » comprendre que ce qu’il n’aimait surtout pas c’était que son Uké soit réticent à cause de cette même peur. Si vous y alliez de bon cœur, alors tout se passait bien et il gérait la technique sans coup férir et sans dommage pour vous. Si vous parveniez à vaincre votre peur, alors vous pouviez vraiment apprécier sa pratique, avec toute l’intensité que cela sous-entendait. Il fallait l’attaquer avec énergie car il appréciait de pouvoir alors utiliser la sienne pour pouvoir faire naître une nouvelle énergie, commune cette fois, et produire ainsi la technique escomptée !
J’étais déjà beaucoup plus « construit » lorsque je suis allé au Japon, à l’Aïkikaï So Hombu de Tokyo puis à Iwama, chez Maître Saïto, au milieu des années 80. J’ai de plus en plus apprécié de telles rencontres car elles nourrissaient mon propre travail. Par la suite, lorsque Maître Arikawa est venu en France au début des années 90 grâce à Stéphane Benedetti et Gérard Gras, j’avais déjà une petite vingtaine d’années d’expérience et encore un peu plus de recul pour appréhender ses cours au mieux pour mon plus grand profit.
C’est donc au fil de toutes ces années pendant lesquelles j’ai avant tout eu la chance de suivre l’enseignement de Maître Tamura et de Maître Sugano que j’ai pu me construire progressivement. Ma formation s’est donc effectuée par une sorte de système en cascade. Chaque rencontre m’a donné les clés pour mieux décoder les rencontres suivantes. Rétrospectivement, je répète que j’ai sûrement eu une bonne étoile qui a veillé sur moi parce que cela m’a constamment donné envie de relancer le travail, la recherche, et de réfléchir. Même les difficultés que j’ai pu rencontrer se sont généralement avérées constructives et finalement positives.
Maintenant, quant à ce que je peux transmettre de ce que je pense être le travail de Maître Tamura, c’est avant tout la finesse que j’ai pu en ressentir, cette capacité qu’il avait de pratiquer d’une manière qui, vue de l’extérieur semblait extrêmement efficace, voire agressive et dangereuse, alors que le ressenti que l’on avait de ses techniques lorsque l’on était son partenaire relevait plutôt d’une sorte de « protection » qu’il vous accordait. Et puis, aussi, je ne cesse de citer ce qu’il disait régulièrement : « il ne faut pas déranger l’autre ». C’est vraiment quelque chose à quoi je suis attaché. Comment trouver le moyen de transmettre l’idée que le relâchement de Tori fasse qu’Uké ne puisse percevoir une quelconque forme d’imposition mais ressente plutôt un « guidage ». Avec Maître Tamura, on ressentait vraiment cela. Lorsqu’on lui servait de partenaire, on ressentait une pesanteur énorme bien différente de ce que son gabarit semblait annoncer – il était quand même léger par rapport à mon propre poids – et en même temps sa technique était d’une précision et d’une efficacité redoutable mais que je n’ai cependant jamais ressentie comme étant nuisible. Bien sûr, il y avait en lui toujours la notion de menace qu’il veillait à nous transmettre, on apprenait à être prudent, les outils de la martialité étaient là. Mais je n’ai jamais trouvé Maitre Tamura destructeur comme d’autres que j’ai pu croiser qui avaient besoin d’affirmer une « surpuissance » sur leurs partenaires. Mais à part cela, quand je donne cours, je le fais toujours avec l’intention (et l’impression !) de faire passer le message de Maitre Tamura dans tous les éléments fonciers que j’ai pu absorber grâce à lui au fil des années.
Dès le début, à la fois parce que ma profession m’y poussait comme je l’ai déjà évoqué mais aussi parce que cela m’intéressait beaucoup, j’ai commencé à réfléchir beaucoup sur la pédagogie et donc sur les phénomènes de la transmission. Je pense que pour transférer au mieux ses propres compétences, il est bien plus efficace d’aider l’apprenant à trouver ses propres outils plutôt que de lui imposer un trop grand copiage de la forme qui peut se révéler inadapté. Il m’a donc fallu trouver les moyens de marier les divers mécanismes que j’avais appris via le système japonais – c’est-à-dire le principe de « globalisation » – avec les approches « à la française » qui prônent plutôt des séquençages pédagogiques. Ce qui me semble intéressant c’est d’allier les deux… Pour être plus clair, dans le système japonais, globalisant donc, on donne pour consigne d’effectuer toute la technique du début à la fin, sans blesser bien sûr car cela ne sert pas à grand-chose. La notion de continuité est capitale et l’on n’envisage la correction qu’a posteriori, Il s’agit d’une pratique de pleine conscience qui vise à faire faire au pratiquant le bilan des moments d’achoppement à la fin de chaque technique sans s’arrêter pour autant, le but étant de n’y remédier que lors de la technique suivante. A contrario, le système cartésien dans lequel la plupart des occidentaux baignent – qui peut certes se montrer éventuellement constructif et intéressant – a tendance à imposer correction sur correction et à n’autoriser le passage à la deuxième puis troisième, quatrième… étapes que lorsque la première phase est devenue « parfaite »…
Je ne suis pas certain que tout le monde se soit rendu compte de comment la pratique de Maître Tamura a pu subtilement évoluer à ce sujet. Pour pouvoir le faire, il aurait fallu avoir la possibilité de revivre les cours qu’il donnait pendant ses premières années en France, quand il utilisait encore la méthode globalisante japonaise et puis suivre en continu le processus évolutif qu’il a ensuite poursuivi. Etant intéressé par cette question, j’avais assez tôt, eu la sensation d’une lente mutation dans son travail mais cela relevait plutôt d’une sorte d’intuition que de quelque chose de tangible. Et puis, un peu par hasard, comme j’en ai parlé tout à l’heure, j’ai récemment eu la chance de récupérer d’anciennes cassettes VHS de stages avec lui – datant du tout début des années 80 – et leur visionnage m’a permis de confirmer mon intuition. Le fait que son enseignement n’ait pas été figé mais soit resté évolutif est devenu évident… Je peux donc confirmer ici que, certes les principes fonciers de sa pratique sont restés constants mais qu’il a eu l’intelligence de faire évoluer sa pédagogie et de l’adapter au public européen tout au long de sa vie, sans jamais dénaturer sa pratique pour autant.
En ce qui concerne la notion de transmission, dans les cours que je donne dans mon club ou lors des stages qu’il m’arrive d’animer, une des choses qui me semblent les plus importantes à mettre en évidence est l’esprit dans lequel notre mission de « passeurs » devrait s’effectuer. Il faut que nos pratiques restent susceptibles de servir dans la vie quotidienne mais, pour que cela soit efficace en profondeur, il faut effectuer cette transmission de façon bienveillante. Dans ce type de contexte, il sera plus facile de faire prendre conscience à toutes et tous de la notion de Zanshin, cette vigilance, ce calme attentif, sans tension excessive ni nervosité qui devrait être une constante de nos comportements. Cette vigilance se doit avant tout d’être discrète pour rester efficace. L’élément probablement le plus important que l’aïkido puisse apporter dans la vie quotidienne, c’est de permettre à chacun de se préserver, pas forcément dans l’optique d’un assez peu probable combat dans la rue mais, a minima, dans la construction d’une meilleure confiance en soi face aux difficultés de la vie. Il s’agit d’aider chacun à mieux se comprendre en apprenant à se structurer psychologiquement par rapport aux autres en se confrontant à eux sur le tapis.
Certes, il faut à la fois garder un certain sérieux, mais aussi ne pas oublier d’être bienveillant et joyeux. Le sérieux apporté à l’acquisition de techniques de combat les plus efficaces possibles est capital et il faut conserver une véritable intensité dans le travail pour que la pratique reste réaliste. Pour que cela ne soit pas qu’une simple chorégraphie, il faut préserver le cœur de nos pratiques par l’apprentissage de techniques qui peuvent représenter une utilité potentielle permettant d’assurer notre survie dans la « vraie vie ». À ce titre-là, le message de Maître Tamura était toujours clairement celui d’une disponibilité combative. Il ne s’agissait pas d’aller chercher des ennuis mais plutôt d’être prêt pour un éventuel combat en pensant que nous avions des outils adaptés, nous permettant de nous protéger, de survivre, de canaliser l’agressivité et de continuer notre propre chemin. Ce sont des idées que j’essaie constamment de transmettre. C’est probablement à ce niveau-là que je me sens le plus proche de son message, au-delà de la technique, de la finesse, de l’intelligence de sa pratique. C’est vraiment plus le cœur de notre mission d’anciens.
Aj : Quel sera l’avenir ? Yamada a maintenant 81 ans… si je regarde par rapport aux cadres, ceux de Mutokukai par exemple, où l’âge moyen est presque de de 70 ans…. Qu’est-ce qui va se passer dans le futur ?
JM : C’est un peu le problème parce que pour toute la génération… dont je fais partie – même si je suis parmi les plus jeunes – les amis comme Stéphane Benedetti ou Tiki Shewan, qui sont les deux initiateurs de Mutokukai, ils vont doucement vers leurs 70 ans, toute cette lignée avance en âge, de la même manière que Maître Yamada qui a passé la barre des 81 ans. Le corps ne peut bien sûr plus faire la même chose que lorsque nous avions trente ans. Nous – des amis comme Stéphane ou Tiki ou moi-même et les autres « survivants » formés dans les années 60 à 80 par un travail généralement rugueux et dur – avons eu la chance de pouvoir persévérer sans trop subir de dommages définitivement rédhibitoires. Ce travail est loin d’avoir été inutile en tant que professeurs car il nous a apporté une intime compréhension de ce qu’il valait mieux faire ou ne pas faire. La difficulté à laquelle nous sommes maintenant confrontés à des degrés divers, c’est que nous avons à faire passer aux jeunes générations la même volonté de dynamisme que nous avions dans les années 70 80, sans trop leur faire subir les mêmes erreurs que nous avons pu commettre. Il nous faut donc arriver à continuer à proposer la partie utile, énergique, de notre époque, afin de stimuler les nouveaux venus, tout en respectant leur évolution et ne pas les abîmer. L’économie de moyens qui est devenue notre pratique grâce à l’élagage fait dans nos pratiques, peut certainement servir de guide sans pour autant devenir un cadre trop restrictif.
Jean-Marc Chamot uké de Maître Yamada dans les années 80.
Pour revenir sur la situation de Maître Yamada, il est vrai que son positionnement peut être assez difficilement compréhensible pour des occidentaux. Il est à la fois le soutien de Motukukai mais aussi le soutien de la FFAB depuis la disparition de Maître Tamura. Il est également le moteur de Sansuikaï International et le mentor de la fédération australienne. Ceci n’est pas du tout incohérent dans le système japonais parce que dans tous les cas, quand il accorde des grades Aïkikai, ils « reviennent » à l’Aïkikai So Hombu de Tokyo qui est sa maison mère. Pour lui c’est plutôt une manière de rassembler les pratiquants, alors que pour un européen, cela pourrait peut-être ressembler à de l’éparpillement. Tout le monde ne voudrait qu’une seule réponse, or il n’y a pas qu’une seule réponse car dans toute organisation sociale les choses évoluent en fonction des circonstances. Je pense que Maître Yamada fonctionne en cela à la fois à l’américaine et à la japonaise et, cela lui va bien, lorsque, tout le monde se trouve sous un même chapeau et s’assied à la place qui lui convient en s’appuyant sur un système fédéralisant. Par contre, au moment où il ne pourra plus continuer (même si, le connaissant, je pense qu’il ne s’arrêtera jamais) ou bien au moment où il disparaîtra, cela va être compliqué pour ses « héritiers », particulièrement aux Etats-Unis…
Là-bas, il y a beaucoup de groupements. Au-delà du groupe des anciens élèves de Maître Toheï Koïchi et de son fils, on sait que Saotomé Mitsugi et ses élèves ne se sont jamais vraiment rapprochés de Yamada Sensei et Kanaï Sensei, qui tous les deux étaient très proches. Maître Ikeda Hiroshi qui a été l’élève de Maître Saotomé, est lui aussi indépendant de l’USAF (la fédération américaine fondée par Maître Yamada). Il y en a d’autres… De toute façon, le glissement devra se faire bon gré mal gré, et une sorte de continuité devra s’établir. Pour nous, en France, cela fait maintenant neuf ans que Maître Tamura nous a quitté et, même s’il représentait la panacée pour beaucoup, la position des cadres de la FFAB va devenir de plus en plus difficilement tenable car regarder plus vers le passé que vers l’avenir en espérant attirer de jeunes talents est une gageure. Chacun évolue et il va donc falloir adapter le système. Comme je le disais tout à l’heure, il est bien sûr toujours envisageable de figer les choses, comme, par exemple, si nous ne faisions que ce que faisait O’Sensei en 1969 (si tant est que cela soit possible) mais honnêtement, il vaut certainement mieux essayer de rassembler toutes les tendances en cessant les ségrégations et avancer en acceptant les interprétations éventuelles de chacun.
A la disparition de Maître Nocquet, certains de ses anciens élèves se sont assez spontanément et intelligemment rapprochés des élèves de Maître Tamura sans pour autant perdre leur identité. Pour ma part comme je l’ai déjà dit, j’ai débuté dans un club où le professeur avait été initié dans un groupe appartenant à la mouvance de Maître Nocquet mais, comme les personnes de cette communauté étaient ouvertes, elles n’ont rien trouvé à redire lorsque je suis allé voir ce que faisaient les élèves d’abord de Maître Noro, puis de Maître Tamura ou de Maître Sugano, etc. Et les influences que j’ai vécues ont bougé au fur et à mesure sans que j’y voie jamais quelque chose de conflictuel, bien au contraire, plutôt un enrichissement.
C’est sûrement pour cela que je n’ai jamais voulu contraindre quelqu’un à faire ce que je faisais. Je ne fais que proposer le panel technique qui est le résultat de mon travail au contact des personnalités que j’ai rencontrées et la réflexion que j’ai pu mener à partir de là. J’ai coutume de dire : « Essayez d’abord de réussir à faire ce que je montre puis, lorsque vous en serez capables, vous pourrez alors choisir en connaissance de cause d’adopter cette approche, ou non… » Ma façon d’enseigner s’est mise en place presque à mon insu, au fil du temps. Ceux que cela intéresse peuvent me suivre s’ils le veulent, et ceux que cela n’intéresse pas, grand bien leur fasse, ils sont bien sûr totalement libres d’aller voir ailleurs. Je ne me mets pas à la place de personnalités comme les Maîtres Noro, Tamura, Sugano ou Yamada, mais je pense que cela fonctionne globalement partout de la même manière. Il y aura les anciens élèves de Maître Yamada comme il y a les anciens élèves de Maître Tamura et chacun se donnera probablement pour mission de transmettre les messages de son maître.
Le problème est de savoir si cela permettra un développement durable et, comme la question s’est posée en France après la disparition de Maître Tamura, l’on verra bien ce qui va se passer aux États-Unis une fois Maître Yamada disparu. C’est un personnage étonnant, toujours en train de se déplacer, il faut aimer cela… Sa longévité est vraiment assez exceptionnelle d’ailleurs car Maître Sugano et Maître Tamura avaient des vies relativement saines comparativement à la vie de fou qu’il a pu vivre. Il a un peu brûlé la chandelle par les deux bouts et finalement c’est celui des trois qui avait une vie dans tous les sens, à tous les niveaux, qui en vient à vivre le plus longtemps. C’était assez improbable mais, finalement, on peut en conclure que tous les chemins ne mènent pas à Rome de la même manière.
Entretien effectué par Horst Schwickerath pour www.aikidojournal.fr N° 72,73 & 74FR
A suivre dans la PARTIE III