Et si l’évolution n’était finalement pas autre chose qu’un état d’esprit ?
A travers un exposé bref mais érudit, Jean-Marc Chamot nous invite à nous plonger dans l’histoire de l’Aïkido et l’évolution de sa pratique et son enseignement, étudier le passé nous permettant d’éclairer le présent et de préparer le meilleur futur possible…
Ayant trouvés très intéressants les articles sur l’évolution de notre discipline publiés dans le précédent numéro de Dragon Magazine suite à l’article d’Emmanuel Betranhandy et étant agréablement surpris de constater les positions généralement confiantes des différents auteurs, j’ai proposé à Léo Tamaki – certes un peu tardivement – d’ajouter une petite présentation historique de l’évolution de l’Aïkido au Japon avec l’idée de compléter modestement le regard sur l’évolution de notre discipline… et de toucher du doigt l’esprit de l’Aïkido.
Pour commencer, il me semble nécessaire de rappeler que la « petite histoire » de l’Aïkido est indissociable de la Grande Histoire du monde car ce sont bien les bouleversements vécus par le Japon depuis l’ère Meiji qui ont provoqués l’émergence de personnages remarquables comme Takeda Sokaku et Ueshiba Moriheï ainsi que la création de leurs pratiques. Une grande partie des techniques que nous continuons à apprendre aujourd’hui et le cadre dans lequel nous le faisons sont le fruit « mûr » des mêmes mutations culturelles.
Rappelons pour mémoire que, dès la fin du XIXe siècle, la volonté de modernisation du Japon (via une occidentalisation du système politico-militaire) a été portée par une partie de la classe dirigeante, désireuse qu’elle était de démontrer le potentiel de la nation nippone au reste du monde. Cependant, bien qu’adhérant globalement à ce projet, l’ensemble du corps social japonais est néanmoins resté également attaché à un certain nombre des valeurs historiques héritées de l’époque médiévale, que celles-ci aient été sociales, comportementales ou intellectuelles.
Nos pratiques portent la marque de ce paradoxe historique. L’Aïkido étant véritablement un lien entre passé et présent japonais, les techniques que nous pratiquons au quotidien sont à ce titre révélatrices. Elles portent des traces du Japon archaïque : se mettre à genoux pour se « battre » par exemple (Suwari Waza, Hanmihandtachi Waza) ne correspond plus vraiment à des comportements contemporains (je n’ai jamais vu personne en Seiza dans le métro japonais… ou ailleurs !) et le port du sabre dans la rue a, lui aussi, complètement disparu des habitudes des descendants des samouraïs depuis son interdiction il y a quelques 150 ans !
Par contre, le côté « sportif » de nos entraînements (même en l’absence de compétition – exception faite de ce qui existe dans l’école fondée par Tomiki Kenji) se révèle étonnamment adapté aux attentes « sanitaires » de notre époque.
Il y a bien entendu quelques explications à cette apparente antinomie.
La rétrospective que je vais tenter ne prétend pas à une quelconque exhaustivité historico-anthropologique de type universitaire. Mon propos visera simplement à souligner qu’au Japon, depuis ses origines, le monde de l’Aïkido a finalement évolué à bas bruit et que l’unique (r)évolution qu’il aura traversée aura eu lieu en un éloignement discret, respectueux et poli de ses origines.
Au delà de l’usage que je ferai ici de discussions que j’ai pu avoir avec les experts japonais avec qui j’ai pu évoquer le sujet par le passé, je prendrai également en compte les informations fournies par les publications de spécialistes comme Donn Draeger, Ellis Amdur ou Stanley Pranin.
Des origines mythiques
Il est fréquemment dit que les racines de notre art plongent dans le passé guerrier de l’archipel nippon via l’enseignement transmis par Takeda Sokaku à Ueshiba Moriheï sous le nom de Daïto-ryu, S. Takeda les ayant a priori lui-même hérité du clan Takeda. Il faut cependant rappeler que la véritable teneur des liens entre le clan Takeda et Takeda Sokaku lui-même est régulièrement questionnée, son patronyme ne servant pas réellement de preuve en soi puisque, jusqu’au XXe siècle, il n’était pas rare de changer de nom au Japon. Le caractère historique lointain du Daïto-ryu est lui-même à prendre également avec de grandes précautions, sa traçabilité n’étant pas vraiment effective… Il semblerait qu’en tout état de cause, une bonne partie des enseignements du Daïto-ryu soit avant tout le résultat du génie de Sokaku Takeda.
En fait, tout comme l’émergence des écoles de sabre ne se fit pas à l’époque des champs de bataille mais bien plutôt à l’époque Tokugawa, c’est-à-dire après 1600, les Budos « modernes » (Shinbudo) sont en réalité plus les produits de l’ère Meiji que des siècles antérieurs. Bien sûr tout le beau monde des écoles a tout intérêt à se targuer d’avoir des racines profondes et anciennes, remontant à l’époque des champs de bataille (zone a priori idéale pour tester la validité des pratiques même si c’est une chose de se battre en armure et une toute autre que de gérer d’éventuelles confrontations interpersonnelles dans un contexte « civil ») mais ce n’est, en fait, qu’assez exceptionnellement le cas.
Pour revenir à l’Aïkido, il est maintenant notoire qu’avant de rencontrer Takeda Sokaku, Ueshiba Moriheï avait déjà commencé à se forger un embryon de culture martiale par la pratique plus ou moins intensive d’autres disciplines que le Daïto-ryu et ce avant, pendant et après son passage par l’armée impériale (Tenjin Shinyo-ryu jujutsu, Goto-ha Yagyu-shingan-ryu jujutsu, voire un peu de Judo). Cependant, la formation la plus dense qu’il ait ensuite pu suivre, il l’a bien effectuée sous la férule de Takeda Sokaku dans le cadre du Daïto-ryu.
On remarquera pourtant que son apprentissage a par la suite été évoqué de manières distinctes par les parties prenantes, à savoir d’une part les quatre principales écoles héritières du Daïto-ryu et, d’autre part, l’Aïkikaï so Hombu de Tokyo. Le passage de Ueshiba Moriheï au sein de l’école dans laquelle il a trouvé la grande majorité des outils qu’il allait utiliser toute sa vie a été ultérieurement largement minoré par Kisshomaru, fils de Ueshiba Moriheï, qui « diplomatiquement » décida de n’en conserver que quelques traces, la pratique « divine » de son père ne pouvant être – voire ne devant être – qu’originale.
Cependant, grâce à Takuma Hisa – un des rares élèves à avoir suivi l’enseignement de Ueshiba Moriheï (de 1933 à 1936) et ensuite celui de Takeda Sokaku – nous savons que les deux systèmes étaient alors quasiment identiques. Comme nous savons également que le manuel « Aikijujutsu Densho » publié en 1933 par Ueshiba Moriheï était toujours la référence de ses élèves dans les années ’50 sous le nom « Aïkido Maki-no-ichi », il est donc possible d’en conclure que ce qui s’appellera finalement « Aïkido » en 1942 (cf. Hiraï Minoru et Hisatomi Tatsuo) n’avait pas techniquement évolué depuis ses premiers pas (dans les années 20) jusqu’à sa maturité (après la guerre) et ce, jusqu’à la disparition du fondateur. La différence entre l’Aïkido « des origines » et celui émergeant dès le début des années ’50 est probablement à chercher ailleurs, entre autres dans la modification du contexte social après la capitulation du Japon, signée le 2 septembre 1945. Je l’ai écrit plus haut, les « petite » et « grande » histoires se rejoignent…
Différences techniques
Certes, les différences de personnalité entre Takeda Sokaku et Ueshiba Moriheï n’ont pas dû être sans impact sur leurs approches respectives de la discipline, même si l’efficacité martiale de l’un ou de l’autre semblent avoir été indiscutables. Etonnamment – et la chose est généralement méconnue – Takeda Sokaku dont la pratique semblait a priori plus virulente, prétendait – d’après son fils Tokimune – suivre, une quête plutôt « pacifique ». Ceci pourrait signifier que cette approche n’aurait pas été l’apanage du seul Ueshiba (la question se pose cependant de savoir si cette assertion de Takeda Tokimune reflète la vérité ou fait partie du discours tenu par le fils sur son père à un moment ou le Japon se voulait plus pacifiste que guerrier…)
Cependant, si Takeda Sokaku, par son parcours et ses actions, semble plutôt avoir été un homme du XIXe siècle, c’est bien Ueshiba Moriheï qui, par son ouverture d’esprit et son universalisme parait représentatif des japonais de la seconde partie du XXe siècle. A contrario, il est possible d’avancer que, si le curriculum du Daïto-ryu recèle beaucoup de techniques contraignantes (employées entre autres par la police du début de l’ère Meïji), l’Aïkido des années 1950/60 – bien qu’ayant été apparemment purgé de l’idée de contrainte forte, ses gestes techniques ayant été « lissés » dans une approche plus « ronde » – l’Aïkido « moderne » donc a conservé au fond – au moins partiellement – une grande partie de la pugnacité de ses origines.
Concernant le Daïto-ryu, il faudrait néanmoins bien comprendre que la « virulence » généralement donnée à voir est à prendre avec précautions car si un spectateur – même avisé – peut penser que de ces deux pratiques, celle du Daïto-ryu présente un côté plus ritualisé, séquencé et formalisé que l’approche contemporaine en Aïkido ne le fait (visiblement remplacée par une démarche d’entraînement plus empreinte d’un dynamisme constant fondé sur des enchaînements d’une technique à l’autre), ceci n’est peut-être qu’apparent. En effet, ce même spectateur devrait s’interroger quant à la possibilité que cette approche virulente ne soit en fait employée « que » lors de démonstrations publiques, les versions moins Omoté (moins « Kata » et donc plus de l’ordre du Jyu Kumité et permettant toute une gamme de subtilités techniques) pouvant être pratiquées plus discrètement ailleurs, dans le « secret » des dojos par exemple. Comme nous savons par ailleurs qu’en Daïto-ryu, il y a des variations non négligeables entre ce que montr(ai)ent Kondo Katsyuki, Sagawa Yukiyoshi ou Okamoto Seïgo, ceci peut nous amener à penser que des épiphénomènes apparemment figés tel que le « replacement » systématique d’Uké à sa position d’origine ne sont peut-être que très ponctuels.
De son côté, en Aïkido, la démarche démonstrative très mobile privilégiée par Ueshiba Kishomaru et Toheï Koïchi serait dans le droit fil des propos de Ueshiba Morihaï lui-même puisque ce dernier conseillait à ses élèves partant pour l’étranger (entre autres) de démontrer leurs techniques à toute vitesse pour ne pas se les faire « voler ». En conclusion, l’impression générale qui ressort malgré tout d’une comparaison primaire entre ces disciplines lors de leurs démonstrations respectives est que l’Aïkido semble la plus dynamique des deux.
Evolution technique
Dans un autre registre, concomitant de ce qui vient d’être avancé cependant, lorsque l’on tente de mettre en perspective les modes opératoires de Ueshiba Moriheï via les films de lui qui nous sont parvenus, on peut discerner trois étapes évolutives… Jusque dans les années 30, Tori reçoit l’attaque et la canalise. Juste avant et pendant la guerre, Tori prend l’initiative en une forme d’anticipation. Après la guerre, Uké semble finalement « aspiré » par un Tori transcendant la technique. Ces variations qui sont pour nous forcément uniquement visuelles – a contrario de ce que ses Ukés pouvaient alors ressentir – semblent anecdotiques car discrètes, mais sont sans nul doute le produit de l’expertise affinée du fondateur et du travail « interne » qu’il veilla à approfondir sa vie durant.
Ces modifications du processus d’entraînement correspondent – sans grande surprise – au changement de paradigme socio-culturel vécu par les japonais après la guerre du Pacifique. Le conflit à peine achevé, le carcan imposé pendant près de 50 ans par la clique impériale militariste semble avoir été rejeté quasi immédiatement et unanimement par la population. La méthode d’apprentissage alors utilisée à l’Aïkikaï, pour sérieuse que fut la pratique, laissa assez rapidement une indépendance d’esprit certaine aux élèves de l’époque. Le cadre général d’enseignement en est alors venu à s’éloigner de celui prévalant dans les Koryus (cette volonté de conserver les formes techniques absolument à l’identique d’une génération à l’autre). Plutôt que comme un foudre de guerre, O’Senseï se comportait alors comme un sage, un individu empreint de religiosité ou un grand-père, même s’il pouvait parfois se montrer « grincheux » comme on pu parfois l’évoquer (discrètement) certains de ses anciens Uchi-deshis…
Comme O’Senseï vivait alors majoritairement à Iwama, la responsabilité du Hombu dojo de Tokyo a alors été principalement assumée par son fils, Kisshomaru, accompagné de Koichi Toheï (jusqu’à sa rupture avec l’Aïkikaï en 1974), liés qu’ils étaient par des liens familiaux, ayant épousé deux sœurs. Ils enseignaient selon leurs propres perceptions et conceptions pédagogiques de l’Aïkido. Kisshomaru – particulièrement – rendit l’Aïkido plus accessible aux nouvelles générations (et aux étrangers) en éliminant progressivement le langage religieux et ésotérique employé par son père, reflétant en cela l’air du temps. Publiant des ouvrages techniques qui servaient immédiatement de référence aux jeunes générations, il a été celui qui a proposé une approche plus « sportive », moins martiale même si elle restait extrêmement vigoureuse. Les chûtes s’enchainaient de manière soutenue avec un rythme très élevé, loin des postures parfois plus statiques d’avant la guerre. Kiaï et atémis ont alors également été évacués du catalogue technique et l’enseignement des armes y est de même devenu très restreint (Pour des raisons de hauteur sous plafond ? A cause du nombre de plus en plus important de pratiquants dans un espace finalement assez limité ?). L’approche de Koïchi Toheï allant dans le même sens, l’on peut avancer que l’Aïkido « moderne » tel qu’il est majoritairement pratiqué de nos jours est le fruit de ces évolutions. La prise en compte de l’aspect analytique logique de la pédagogie occidentale s’est certainement faite partiellement au détriment des qualités intuitives que la formation traditionnelle visait à développer et il est certain que l’ensemble est relativement éloigné de la pratique bien plus martiale – dans son sens étymologique – pratiquée et enseignée par le fondateur jusqu’à la guerre et à Iwama.
Développements intérieur et extérieur
Le plus célèbre des témoignages de l’Aïkido tel qu’il pouvait être pratiqué dans cette région d’Ibaraki après la guerre a longtemps été mis à disposition des pratiquants via l’enseignement de Morihiro Saïto (jusqu’à la disparition de ce dernier, en 2002). Tout en s’efforçant de conserver le plus fidèlement possible l’approche technique d’O’Senseï après sa mort (en 1969 comme chacun sait), M. Saïto a cependant – lui aussi – cherché à répondre à ce qu’il percevait des évolutions « sociologiques » de l’époque en élaborant une pédagogie spécifique très structurée, continuant à mettre, entre autres, l’accent sur le travail des armes. A Iwama, une telle pratique en plein air se trouvait facilitée par l’espace libre existant autour du dojo, à la différence de ce qui était envisageable aux abords de la maison mère, à Tokyo.
Au passage, pour revenir sur l’usage des armes en Aïkido – sujet qui est fréquemment une pomme de discorde entre les pratiquants d’Aïkido – il est peut-être intéressant de rappeler que les ouvrages que M. Saïto a publié dès le début des années 70 ont fréquemment servi aux Shihans envoyés à l’étranger car, intelligemment, ceux-ci ne dédaignaient pas de s’en inspirer plus ou moins librement pour y retrouver les éléments qu’ils avaient pu glaner auprès de O’Senseï lorsqu’ils lui servaient d’Ukés… Ces publications ont ensuite servi – par ricochet pédagogique – à leurs élèves, c’est-à-dire à des générations entières surtout parmi ceux des pratiquants qui étaient intéressés par la pratique des armes.
Cependant, à Tokyo, continuant à suivre globalement les trois étapes du principe de Shu-Ha-Ri (fréquemment évoqués par K. Chiba ou N. Tamura :
1/ apprendre les fondamentaux par l’observation et la répétition méticuleuse ;
2/ remettre en question, casser avec la tradition et trouver de nouvelles approches ;
3/ transcender, tous les mouvements devenant permis).
le Hombu dojo a progressivement accordé plus d’autonomie aux élèves qu’avant la guerre. Rien d’étonnant donc à ce que les plus courageux et les plus dynamiques d’entre eux décident de tenter l’émigration dès les années ’50 et ’60 (Toheï Koichi, Yamada Yoshimitsu, Kanaï Mitsunari ou Saotome Mitsugi en Amérique du Nord ; Kurita Yutaka au Mexique ; en Europe Mochizuki Minoru (et son fil Hiroo), Murashige Aritoshi, Abe Tadashi, Noro Masamichi, Nakazano Mutsuru, Tamura Nobuyoshi, Tada Hiroshi, Chiba Kazuo (et Kanetsuka Minoru), Asaï Kenichi, Ichimura Toshikazu [en Sandinavie] ; Sugano Seïchi en Australie ; Fukakusa Motohiro en Thaïlande, Kawaï Reishin en Amérique Latine et d’autres…). Les dures conditions économiques auxquelles l’ensemble de la population était confronté au Japon à l’époque ne les incitaient de toute façon pas vraiment à rester au pays… Une fois installés à l’étranger, ils ont alors transmis à leurs élèves la méthode qu’ils avaient souvent plus apprise avec Ueshiba Kisshomaru (et Toheï Koichi) qu’avec le fondateur lui-même, même si celui-ci restait la référence tutélaire incontournable.
En fait c’est l’envol de ces jeunes Shihans dynamiques vers l’étranger qui a véritablement propulsé l’Aïkido sur le devant de la scène en une trentaine d’année. A contrario, resté très japonais et enseigné de manière plus traditionnelle, le Daïto-ryu est resté plus confidentiel. A la « décharge » de cette école, il faut aussi rappeler que Takeda Sokaku étant décédé en 1943, l’évolution de l’école ne put pas suivre les mêmes chemins « modernistes » consécutifs de la fin du conflit mondial.
Le futur de la discipline
Nous pouvons donc constater que, comme pour toute activité humaine, l’Aïkido japonais n’a donc jamais été véritablement gravé dans le marbre que cela ait été du vivant de O’Senseï ou après sa mort. En faisant progressivement bouger les lignes de la pratique, Kisshomaru n’avait certainement pas l’intention de trahir le travail de son père mais, bien au contraire, visait à permettre à celui-ci de perdurer. Les modifications apportées n’ont donc pas véritablement marqué un schisme, puisqu’il n’y a pas eu de scission à proprement parler entre la pratique historique du fondateur de l’Aïkido et celle mise progressivement en place par son fils mais ont bien plutôt été le produit d’une évolution, résultat d’une prise en compte intelligente des besoins de l’époque.
C’est le chemin de son père qu’a suivi le petit-fils du fondateur, Moriteru. Stylisant et esthétisant les formes techniques conservées par son père, il a poursuivi cette voie évolutive discrète, proposant une approche qui sert maintenant majoritairement de référence dans le monde. Etant, comme Kisshomaru, un homme de consensus et de rassemblement, il a lui aussi veillé à ne pas provoquer de schisme. C’est peut-être finalement dans cette adaptabilité aux situations, aux évolutions sociétales que « L’esprit de l’Aïkido » est véritablement à chercher…
Dans le passé il s’agissait de s’adapter au champs de bataille pour survivre. De nos jours, peut-être faut-il réfléchir à ce qui fait le propre de notre pratique face à des offres sportives concurrentes apparemment plus combatives et plus modernes. A nous de trouver les moyens qui nous permettront de laisser dernière nous l’apparente désaffection rencontrée récemment semble-t-il par notre discipline.
La question se pose de savoir comment nous pouvons transmettre au mieux la martialité apparemment anachronique de notre méthode d’entraînement tout autant que le message devenu pacifique du fondateur. Il nous faut mettre à la portée de tou(te)s les richesses techniques, combatives mais aussi morales et culturelles de notre art… La fluidité, la disponibilité, le dynamisme et l’absence de force inutile (sans évacuer pour autant la solidité) sont peut-être les clefs principales qui nous permettrons d’attirer à nouveau les jeunes pratiquants vers nos Dojos. Une fois les bases acquises, le retour à des entraînements moins figés et plus proches de situations de combat « réel » abordées intelligemment (comme c’était le cas à l’Aïkikaï dans les années ’50, ainsi que l’évoquait fréquemment Kuroïwa Yoshio) font sûrement partie de la solution… Peut-être faut-il pour cela continuer à travailler humblement pour s’améliorer soi-même (déjà !) mais surtout veiller à accepter les remises en question, en « lâchant prise », rien n’étant jamais acquis à l’homme ni sa force, ni sa faiblesse, ni son cœur (sic Louis Aragon 🙂
La responsabilité des enseignants est donc très lourde en cela car comme l’écrivait Me Tamura : « Enseigner, c’est donner un modèle technique et spirituel idéal et surtout transmettre à chacun l’envie d’y parvenir. »