Mardi 1 décembre 2020

Souvenirs croisés de…

Patrice Herpin et Jean-Marc Chamot

Tout d’abord voici quelques souvenirs récents et la vision des lieux par Patrice ; vous pourrez ensuite lire les souvenirs de Jean-Marc qui remontent quant à eux à une période – un peu ! – plus ancienne.

La rapide présentation qui suit est sans prétention et n’est pas le résultat d’une longue pratique à l’Aïkikai de Tokyo mais au contraire d’un bref passage lors de ce que l’on peut qualifier de « tourisme martial » dans ce Dojo historique. Construit en béton sur quatre étages, il a été inauguré en 1967 soit deux ans avant la mort du fondateur. Il a remplacé l’ancien Kobukan qui avait quant à lui été aménagé en 1931, à l’aide d’une structure en bois. Ce bâtiment est aussi appelé « Hombu Dojo », terme qui désigne le Dojo central d’une discipline (précisément « Quartier Général »). Il est très emblématique car il représente beaucoup dans l’imaginaire des pratiquants passionnés que nous sommes. Cela explique le choix de commencer cette rubrique « Souvenirs de Dojo du Monde » par un regard croisé avec mon « mentor », alias Jean-Marc. Notre approche a pour objectif de vous faire partager nos expériences réciproques et d’échanger avec vous.

  L’ancien… et le nouveau !

Le contexte du voyage.

J’avais effectué mon premier séjour au Japon en août 2010, pendant l’été donc, saison qui est encore plus marquée qu’en France par une forte chaleur et surtout un taux d’humidité très élevé, on y a presque parfois l’impression de respirer de l’eau ! J’ai été alors membre d’un groupe effectuant un « Master Tour » qui m’avait amené à pratiquer dans de nombreux Dojos à travers tout le pays mais j’avais été frustré de ne pas avoir alors la possibilité de pratiquer à l’Aïkikaï de Tokyo.

Aussi, en avril 2018, lors de mon second voyage dans l’archipel japonais, j’ai absolument tenu à m’arranger pour participer à quelques cours de ce Dojo. J’ai donc été contraint de tout organiser par moi-même puisque j’étais seul cette fois et non plus membre d’un groupement de pratiquants. Cela avait donc été un peu plus compliqué mais également plus agréable car, ayant la chance d’effectuer cette seconde visite au printemps je n’ai pas eu cette fois à souffrir des désagréments de la température estivale Japonaise.

Le choix du cours en fonction de l’horaire et du maître.

Par respect pour l’étiquette, le choix évident que j’aurais dû faire, aurait été de me rendre au cours du Doshu actuel, Ueshiba Moriteru, petit-fils du fondateur. Mais plusieurs raisons m’ont amené à effectuer un choix différent. D’une part, j’avais déjà pratiqué à plusieurs occasions avec lui, d’autre part, il était alors remplacé par « Waka Sensei » (« jeune maître »), un titre porté aujourd’hui par Mitsuteru, l’arrière-petit-fils du fondateur. Et enfin, le cours était programmé à 6 h 30 du matin ; une heure bien trop matinale pour moi-même et pour ma fille qui, étudiant au Japon, me servait de guide. Cela aurait été de toute façon rendu difficile car nous logions dans une partie très éloignée de la banlieue tokyoïte. Notre exemple est en réalité assez révélateur du fait que cette énorme agglomération qu’est la capitale du japon est très étendue et compte plus de 42 millions d’habitants, faisant d’elle probablement la ville la plus plus peuplée au monde ! Mon choix se porta donc plutôt sur quelques cours d’Osawa Hayato – Shihan 8e Dan – lui-même fils de Kisaburo qui porta un temps le titre de « Dojo Cho » c’est à dire « Directeur Technique » de l’Aïkikaï.

Échange avec Maître Osawa et inscription au « Dojo Central ».

Dans le fonctionnement classique d’un cours d’Aïkido au Japon, (contrairement à Asnières 😉 ) il n’est pas toujours évident de parler avec le maître ou le professeur qui dirige le cours. Il se trouve que, comme Maître Osawa attendait à l’accueil (au rez-de-chaussée) entre deux cours, j’en ai profité pour me présenter par politesse – en japonais, grâce à ma fille – en lui indiquant que je l’avais rencontré la première fois en 1989 lors de sa venue à Paris pour accompagner Ueshiba Kisshomaru à l’occasion de la célébration des 25 ans de Tamura Senseï en France. Je lui précisais aussi que j’avais eu la chance d’être un élève de Tamura Senseï pendant 23 ans. Je n’oublierai pas sa surprise et sa réplique comme quoi « cela ne nous rajeunissait pas » accompagné d’un rire chaleureux et bienveillant !

Sinon en ce qui concerne l’accueil, il faut savoir qu’au Dojo central, on est censé soit être pré-inscrit soit s’inscrire dès son arrivée (et en payant, bien sûr !) auprès de la personne qui veille aux enregistrements et que l’on doit certes y retirer ses chaussures mais sans pour autant utiliser de Zoori.

Souvenirs des lieux.

Le Dojo central est constitué de trois salles d’entrainement. Celle du premier est dédiée aux entraînements pour les débutants et les jeunes. Au deuxième étage se trouve le plus grand dojo, celui auquel on a accès lorsque l’on est « visiteur ». Au troisième étage se trouve la salle utilisée pour les cours « spéciaux ». L’ensemble est très fréquenté car il faut savoir que, au-delà des membres de la famille Ueshiba, une trentaine d’intervenants se relaient pour animer la vie du Centre Mondial.

Les pratiquants de la salle principale utilisent une entrée située sur le côté du dojo, après un vestiaire qui comporte des casiers pour éviter que chacun apporte son sac au bord du tatami. Il y a aussi des douches qui sont essentiellement utilisées par les étrangers car, n’étant pas chauffée, l’eau y est très froide ! Les pratiquantes ainsi que les éventuels visiteurs rentrent par l’entrée principale, tout comme l’enseignant. Concernant les visiteurs, ceux-ci une fois autorisés doivent assister aux cours en Seiza (si cela leur est possible) sur le parquet et bien sûr avec le comportement « correct » attendu au Japon, particulièrement dans les Dojo… Le Kamiza est magnifique avec les portraits du fondateur et de son fils, permettant de retrouver ainsi l’idée de filiation et de continuité dans le temps et l’espace. J’ai pris la liberté de le prendre en photo discrètement, une démarche a priori pas vraiment autorisée. J’ai joué sur le fait que j’étais un « Gaikokujin », ce qui donne, au Japon, une excuse pour un certain nombre de choses (ces erreurs commises par ignorance des codes de l’étiquette sociale, le Regisaho). Je fus récompensé de mon audace par une – charmante – japonaise qui, à ma grande surprise, me fit une faveur : elle me proposa de me  prendre en photo devant le Kamiza.

Les principales différences entre un cours suivi à Asnières et à l’Aïkikaï.

– La première différence concerne évidemment les lieux. Au-delà du côté « mythique » de l’endroit, les tatamis du « Dojo central » sont – comme souvent au Japon – bien plus durs que ceux auxquels nous sommes habitués en Europe. Le rythme de la pratique n’y est pas pour autant moins soutenu.

– Une autre différence vient du fait qu’on ne vienne pas au Dojo avec ses propres armes mais que quelques armes sont disponibles au râtelier et en accès libre. La faible place du travail des armes au Hombu Dojo pourrait être un potentiel sujet d’échanges entre nous tous.

– Ensuite, ce qui est parfois moins connu est le fait de suivre des cours d’une heure, et ceci même si le maître présent dirige plusieurs entraînements consécutifs. Ces séances sont alors entrecoupées de pauses, qui permettent plusieurs choses aux pratiquants :

• nettoyer le tatami – qui est blanc à l’Aïkikaï ;

• s’entraîner librement – aux armes par exemple ;

• faire un échauffement libre – « Sotaï » ou « Jumbi Dosa ».

Dans tous les cas, le Senseï dispense un nouvel échauffement rapide au début du cours suivant. Comme il n’y pas de « pédagogie différenciée », on s‘échauffe donc plusieurs fois de suite, comme dans la plupart des dojos de ceux qui ont pratiqué plus récemment à Tokyo.

– Parmi les autres différences, il en est une à prendre en compte car elle est également souvent méconnue : il faut donc savoir que l’on conserve le même partenaire pendant toute l’heure de cours… Mon précédent séjour m’avait montré l’importance de bien le choisir pour tirer un maximum de profit de la séance. J’ai donc fait le choix d’alterner, au fil des cours, entre Uké/Aité français et japonais. D’ailleurs, j’ai souvenir d’un Tokyoïte très sympathique qui entama la conversation (en anglais) avec moi tout en pratiquant. Il avait réagi très positivement à plusieurs de mes réponses comme le fait de venir de Paris pour voir ma fille (présente comme spectatrice), de pratiquer depuis 1986, et surtout de me présenter comme un élève de longue date de Tamura Senseï.

– La dernière différence qu’il semble utile de mentionner car elle est a priori la plus importante, concerne la pédagogie. En effet, comme beaucoup de Senseï, les explications données par maître Osawa étaient très succinctes, peut-être pour développer le fameux « Mitori Geiko » (capter visuellement). Il n’utilisa que très peu de partenaires pour ses démonstrations et, d’après ce qu’on m’expliqua par la suite au restaurant, dans un ordre bien précis et protocolaire. Il observa bien plusieurs pratiquants mais ne corrigea que très peu d’entre eux et, contrairement à lorsque l’on suit les cours de Jean-Marc, il n’était pas possible de « ressentir physiquement » son mouvement. Ceci est assez fréquent avec les maîtres japonais et je trouve cela personnellement assez frustrant ! Selon moi, les entraînements se limitent trop souvent à une technique à reproduire – le plus fidèlement possible – et cet aspect des choses pourrait être aussi un sujet d’échanges entre nous tous.

Quelques souvenirs et ajouts informatifs de Jean-Marc.

D’abord un peu de géographie :

Le Hombu Dojo est situé dans l’un des 23 arrondissements de Tokyo – Shinjuku –  lieu assez exotique car c’est là qu’est recensé le plus grand nombre d’étrangers vivant dans la capitale nippone (plus de 100 nationalités !). Dans ce quartier très animé, on croise donc beaucoup de Coréens (du sud mais aussi du nord !), des Chinois, des Vietnamiens, des Birmans, des Philippins ainsi que de nombreux touristes d’autres pays, friands des très nombreux magasins (grands et petits), cinémas, bars ou restaurants qui s’y trouvent. L’un des quartiers de cet arrondissement – Kabukicho – est également le quartier « chaud » de la capitale, célèbre pour ses « hôtesses » et ses Yakuza. Une dizaine d’universités ont par ailleurs leurs locaux dans cet arrondissement qui est très étendu.

Adresse du Hombu Dojo
Aikikai Foundation, Aikido World Headquarters
17-18 Wakamatsu-Cho, Shinjuku-ku, Tokyo, 162-0056 Japan
TEL:Tokyo (03)3203-9236
FAX:Tokyo (03)3204-8145
Email:aikido@aikikai.or.jp
Pour y aller : Metro Ligne Toei Oedo, 5 min. de marche ou Metro Ligne Fukutoshin, 10 min. de marche.

Et puis, quelques anecdotes.

Je valide complètement la présentation de Patrice bien sûr mais je me permettrai de la compléter avec quelques remarques et informations plus personnelles sur ce que j’ai pu ressentir lorsque je me suis rendu à l’Aïkikaï de Tokyo, pour la première fois, en 1984.

Contrairement à Patrice, je n’habitais pas très loin de Shinjuku et j’ai donc participé – entre autres – aux cours matinaux du « Doshu » de l’époque, à savoir Ueshiba Kisshomaru, le fils du fondateur. J’avais déjà assisté à la démonstration qu’il avait donné à Paris, en 1975 dans la Salle Pleyel. Puis j’avais suivi son enseignement lorsqu’il était venu participer au Congrès de la Fédération Internationale d’Aïkido (FIA) à Paris, en 1980 (c’est à cette même occasion que j’avais également eu le plaisir de lui servir de chauffeur pendant toute la semaine en répondant aux nombreuses questions qu’il me posait, Maître Tamura nous accompagnant pour servir d’interprète, ma connaissance du japonais étant bien trop insuffisante pour tenir une vraie conversation !). À Tokyo ses cours étaient toujours aussi intéressants par leur « classicisme » et leurs structures claires même si les français pratiquants réguliers du Hombu Dojo appelaient affectueusement ces pratiques matinales « la messe »…

Je l’ai revu en 1989, à Paris, pour le 25e anniversaire de l’arrivée de Me Tamura en France. À cette occasion, j’ai fait partie d’un trio de camarades auxquels il a remis en mains propres leurs diplômes lors d’une cérémonie officielle. Mon 4e dan ainsi validé a donc pour moi une saveur très particulière.

Les Maîtres Sugano, Yamada, Tamura et Ueshiba K. Paris, 1989.

L’ambiance générale…

En ce qui concerne l’eau des douches, celle-ci était déjà (très) froide à l’époque et j’ai appris la cause de cette température après un entraînement un peu intensif. Ironiquement, un des pratiquants anglais avec qui je partageais – rapidement ! – les lieux m’a dit que la raison de cette eau glaciale n’était pas due à un quelconque désir d’ascèse mais venait beaucoup plus prosaïquement de la volonté de l’Aïkikaï de ne pas trop payer le chauffage ! Les japonais adorent l’eau, mais plutôt quand elle est (très !) chaude (comme dans les Sento – bains chauds publics –, les Onsen – sources chaudes naturelles – ou les O’Furo – plutôt dans le cadre de leur foyer –). Je n’ai donc jamais vu un seul japonais dans les douches de l’Aïkikaï !

Au titre des anecdotes, au-delà de la température glaciale de l’eau des douches, il faut savoir que, par « volonté d’oxygénation », les baies vitrées du dojo du 2e étage restent ouvertes pendant la nuit (quand il ne pleut pas). Mon premier séjour ayant lieu pendant les vacances de Pâques, lorsque je suis arrivé au premier cours du matin, j’ai donc pu constater que le tatami était… givré ! En effet, il faisait bien plus froid que d’habitude cette année-là et pendant une quinzaine de jours, il a même neigé, au grand dam des touristes qui auraient bien voulu profiter du Hanami (textuellement « voir les fleurs »). Ce sont les fêtes qui, de fin mars à début avril, célèbrent l’éclosion des fleurs de cerisiers et dont les japonais profitent pour aller pique-niquer en famille ou entre amis. Vous comprendrez aisément que lors de ces cours matinaux, nous nous activions encore plus que d’habitude sur le tatami… histoire de briser la glace, bien sûr ! 😉

Comme l’un des buts de mon séjour était de rendre visite au Hombu Dojo pour mettre en place la venue de 220 français pendant l’été qui suivrait, il était prévu que je retrouve Maître Ueshiba pour peaufiner l’organisation de ce projet. Ce dernier m’a alors reçu en personne, accompagné de son fils Moriteru. Les diverses modalités du programme ont donc été réglées dans son bureau, celui qui se trouve en face de la réception, à gauche en entrant, au rez-de-chaussée. Leur accueil a été extrêmement avenant et cordial, heureux qu’ils étaient d’avoir la perspective de recevoir un groupe aussi important d’élèves français. La situation se répéta lorsqu’il s’est agi pour moi d’y retourner pour accompagner le groupe pendant l’été qui a suivi.

L’Aïkido de l’Aïkikaï So Hombu

Outre les informations déjà fournies par Patrice, je voudrais en profiter pour donner ici quelques renseignements sur l’Aïkikaï pour ceux qui voudraient éventuellement s’y rendre.

L’Aïkido pratiqué à l’Aïkikaï est de loin celui qui est le plus répandu au monde même si ce Centre historique n’est pas l’unique école d’Aïkido du Japon. L’approche technique en a été rationalisée, simplifiée et codifiée par Ueshiba Kisshomaru et s’est en partie éloignée de certaines pratiques perçues comme trop archaïques. Sous le nom d’Aïkikaï, on fait généralement référence autant à une structure juridique qu’à un style qui peut malgré tout être assez variable selon les maîtres qui y donnent cours. Il est « repérable » à plusieurs niveaux :

  • Une approche très coulée, recherchant la fluidité selon le principe du « Ki-no-nagare » avec des mouvements généralement circulaires ;
  • Une recherche quant aux fondations des principes de l’aïkido, sans quête immédiate d’efficacité ;
  • Une sobriété quant au nombre de techniques mais une certaine amplitude de mouvement avec beaucoup de dynamisme.

On attend également une disponibilité bienveillante de la part d’Uké lors de l’entraînement, il ne s’agit pas d’agresser son partenaire ou de se battre avec lui. Le point de vue de Maître Kisshomaru n’était pas d’enseigner une forme de self-défense, mais plutôt de promouvoir un outil permettant l’harmonie sociale et la coopération entre les nations.

Les passages de grades Dan s’y tiennent sous la responsabilité exclusive des professeurs qui les délivrent et l’on ne constate donc pas vraiment de volonté de standardisation quant à la forme.

Comment devient-on « Maître » d’Aïkido au Japon ?

Par le passé, les futurs Senseï (mot issu du chinois signifiant littéralement « né en premier », ceux qui sont devant vous dans l’étude de la voie et qui sont censés avoir la « Maîtrise » de la discipline) commençaient généralement leur formation par un certain nombre d’années comme « Deshi » (disciple). Dans tous les cas, ils devaient suivre (tous) les cours donnés au Dojo. Pour envisager cette participation chronophage, ils pouvaient être Uchi Deshi (disciple interne, vivant au Dojo, au service du/des professeur/s comme un homme à tout faire, les Maîtres Tamura, Chiba, Sugano… ont tous eu ce statut) ou Soto Deshi (disciple externe au Dojo, logé dans sa famille ou chez des proches, comme Maître Yamada). Les Deshi étaient corvéables à merci. Ils étaient certes logés et nourris au Hombu Dojo (assez frugalement car l’Aïkikaï ne roulait pas sur l’or et qu’à cette époque même Kisshomaru – qui avait étudié à l’Université Waseda, l’une des meilleures du pays – dut travailler dans une société financière jusqu’en 1955) mais, s’ils étaient « dédommagés », il s’agissait plus d’argent de poche que d’une véritable rémunération. Outre les travaux de nettoyage du dojo, des toilettes, etc. mais aussi de travaux administratifs, ils avaient pour mission d’accompagner en tant qu’Otomo, O’Senseï lui-même ou son fils mais également les professeurs hauts gradés pour leur servir de partenaire lors des démonstrations ou des cours que ceux-ci devaient donner un peu partout dans le pays. Pratiquant de nombreuses heures quotidiennement (souvent jusqu’à six heures par jour), ils développaient des qualités physiques qui leur permettaient de commencer à enseigner après environ trois ans de formation (durée standard dans ce cadre pour atteindre le grade de 3e Dan). Ils étaient généralement d’abord envoyés s’aguerrir en donnant des cours dans les universités tokyoïtes afin de diffuser l’Aïkido au mieux de leurs connaissances. Et puis, pour la génération des années 50 et 60, ils sont également allés donner des cours aux forces japonaises d’auto-défense et aux personnels des bases militaires américaines qui continuaient à être partiellement occupées après la signature du Traité de San Francisco, en avril 1952. Là, ils se sont d’ailleurs trouvés assez souvent confrontés à des « élèves » aux gabarits généralement bien supérieurs aux leurs. Ces expériences n’ont pas été inutiles car grâce à elles, ils se sont accoutumés à d’autres fonctionnements sociaux-culturels ce qui leur a été fort utile lorsqu’ils ont émigré pour disséminer l’Aïkido, en Australie pour Sugano Seïchi, aux Etats-Unis pour Yamada Yoshimitsu ou en France et Europe pour Tamura Nobuyoshi.

Tokyo, début des années 60 : Sugano, Tamura, Yamada.

Lorsque j’ai fréquenté l’Aïkikaï, au milieu des années 80 la situation n’avait pas beaucoup changé (et a priori il en va encore de même aujourd’hui) mais le recrutement des Deshi était devenu plus compliqué. Parce que la mentalité avait évolué depuis la période de l’immédiat après-guerre, il n’était pas aussi simple de trouver des candidats qui acceptent de passer des années à être une sorte de serviteur mal payé avec l’espoir de devenir un jour, peut-être, Senseï à son tour. J’ai donc cru comprendre que le Hombu Dojo faisait passer des petites annonces dans les journaux afin d’attirer des jeunes gens de bonne volonté. On leur a également peu à peu demandé de suivre, parallèlement à la formation reçue à l’Aïkikaï, une éducation universitaire, afin qu’ils ne soient pas en décalage avec les élèves auxquels ils auraient à donner cours, au Japon ou à l’étranger. En bref, le long parcours pour devenir Maître était et est toujours loin d’être une sinécure !!!

Plusieurs célébrations et moments particuliers rythment l’année :

Kagami Biraki qui, en janvier, signale le début de la nouvelle année. C’est aussi à cette occasion que sont annoncés les promotions des grades de Haut Niveau.

Etsunengeiko qui a lieu le 31 janvier de 23 h 30 à 00 h 30.

Shinobukaï qui, le 26 avril, rappelle la date du décès de Maître Ueshiba, en 1969.

Deux périodes d’entraînement de 10 jours en début et en milieu d’année, Kangeiko (« entraînement dans le froid », fin janvier / début février) et Shoshugeiko (« entraînement dans la chaleur », fin juillet / début août) sont des périodes de 10 jours pendant lesquelles les participants sont incités à pratiquer à au moins un cours quotidien.

Il y aurait sûrement bien d’autres choses à dire mais la meilleure solution est probablement de prendre son baluchon et d’aller rendre visite à ces lieux emblématiques, alors… Bon Voyage !